L’attaque sur les droits sociaux : un pas en arrière dans l’effondrement de la sécurité sociale belge Louise Lemoine, novembre 3, 2025 Le gouvernement belge a initié une nouvelle offensive contre les conquis sociaux, notamment l’assurance-chômage. Cette attaque vise à réduire le droit aux allocations de chômage complet, limitant celui-ci à deux ans maximum. La mesure est soutenue par des partis politiques et des organisations patronales, qui prônent une limitation dans le temps des allocations de chômage. Le gouvernement « Arizona » a voté cette mesure le 18 juillet 2025, parue au Moniteur le 29. Le droit aux allocations de chômage complet est désormais limité à deux ans au maximum, avec une période de base de douze mois, à laquelle pourra s’ajouter une période de jusqu’à douze mois supplémentaires en fonction du passé professionnel. Le droit aux allocations d’insertion est quant à lui limité à un an maximum – et non plus trois. Cela va entraîner une vague d’exclusions qui va concerner pour l’année prochaine plus de 184 000 personnes. Cette vague est divisée en plusieurs phases : durant ces trois premières phases, environ 115 000 personnes perdront leur droit aux allocations. A partir du 1er juillet 2026 démarreront de nouvelles phases d’exclusions successives qui concerneront environ 70 000 demandeurs d’emploi. Les partisans de la limitation dans le temps des allocations prennent comme exemples les voisins de la Belgique : France, Pays-Bas, Allemagne… Ils oublient de préciser que ces pays ont un système d’aide sociale organisé au niveau national pour les chômeurs en fin de droit. Chez nous, les CPAS (Centres Publics d’Action Sociale) devront prendre le relais. Or, ils dépendent des communes et la loi communale est une prérogative des Régions, flamande, bruxelloise et wallonne. Ce qui veut dire qu’il y a régionalisation au moins partielle de l’aide sociale. La N-VA n’a décidément pas renoncé à son agenda confédéraliste ! On ne peut en effet nier qu’il y a une dimension communautaire au problème car il reste plus difficile de trouver un emploi à Bruxelles et dans la partie francophone du pays. Le gouvernement n’entend pas s’arrêter là. David Clarinval (ministre MR de l’Emploi) a déjà déclaré qu’il allait donner des coups de burin dans le droit du travail. Avec l’allocation de chômage, le patronat est obligé d’offrir aux travailleurs des salaires et des conditions de travail un minimum convenables. Une fois cette allocation limitée dans le temps, il s’attaquera inévitablement à ceux-ci. Il faut aussi souligner que cette agression contre une conquête sociale historique est d’inspiration idéologique. Le président du MR Bouchez n’a-t-il pas déclaré qu’il fallait une Margaret Thatcher aux commandes du plat pays ? Il n’y a pas que de l’outrance dans ces propos, mais aussi une certaine vision du monde. De plus, l’économie impliquée par la limitation de l’allocation de chômage dans le temps sera dérisoire. L’assurance-chômage ne représente que 9 % du budget annuel de la Sécurité Sociale (environ 5 milliards d’euros). Par contre, depuis 2005, les cotisations patronales à celle-ci ne cessent de diminuer : cela constitue un manque à gagner de 17 milliards d’euros pour la seule année 2023. Enfin, ne serait-ce que pour des raisons écologiques, le système économique va devoir faire l’objet de mutations de grande ampleur. Beaucoup de secteurs vont devoir être restructurés, voire passer à la trappe. Nombre de gens vont devoir se reconvertir, d’où la nécessité d’une assurance-chômage forte. Dans le documentaire La sociologie est un sport de combat, Pierre Bourdieu affirmait que les attaques des dominants contre les droits sociaux n’étaient pas seulement de la méchanceté, mais aussi de la bêtise. La Belgique va assister à une impressionnante démonstration en la matière… Société