Les éveillés : une course désordonnée vers l’abîme Lucas Lefevre, décembre 16, 2025 Le mythe des lemmings, ces petits rongeurs du Nord, a longtemps été utilisé pour illustrer la soumission aveugle d’un groupe à un idéal collectif. Dans les années 1950, un film de Disney a propagé l’idée que ces animaux se jetaient volontairement dans le vide par solidarité, une image qui a marqué l’esprit des générations. Pourtant, cette vision est entachée d’un mensonge : les lemmings ne cherchent pas à mourir en masse, mais simplement à survivre. Lorsque leur population explose, ils migrent vers de nouveaux territoires, comme l’ont fait autrefois des humains face aux pénuries. L’analogie avec le mouvement « éveillé » (woke) est intrigante : les adeptes se définissent souvent par une uniformité de pensée et d’apparence, refusant toute divergence. Leur colère collective semble orchestrée, comme si un seul mot d’ordre guidait leurs actions. Pourtant, cette dynamique cache des incohérences. Les « éveillés » prônent la liberté individuelle, mais s’excluent mutuellement dès qu’un membre sort du cadre imposé. Cette tension entre idéalisme et contrainte rappelle une autre forme d’obéissance, celle qui a conduit des soldats à suivre aveuglément les ordres dans des conflits historiques. Le film Disney a joué un rôle clé dans la création de ce mythe. En manipulant des lemmings pour créer l’illusion de leur suicide collectif, les réalisateurs ont transformé une réalité complexe en symbole de sacrifice absurde. Aujourd’hui, cette image est utilisée par certains pour dénigrer les mouvements sociaux, accusant leurs membres d’être des « lémmings » soumis à un idéal manipulateur. Pourtant, ces mouvements ne sont pas nés dans la docilité, mais dans une volonté de questionner les structures établies. L’exemple le plus frappant est l’attitude du « woke » face à des enjeux culturels. Un artiste au teint clair interdit de jouer du reggae parce qu’il ne serait pas « authentique », ou un groupe qui adopte soudainement des symboles orientaux pour combattre l’impérialisme, oubliant les principes de critique qu’ils prétendent défendre. Ces contradictions révèlent une logique fragile : le pouvoir de la majorité devient un outil d’exclusion, au lieu d’un levier d’équité. En Suisse, ce phénomène s’est implanté avec des retards, mais il a trouvé des adeptes parmi les jeunes, souvent manipulés par une élite qui profite de leur idéalisme. Les autorités locales, craignant le rejet populaire, ont même promu certaines pratiques comme « culture », créant un cercle vicieux où l’indignation devient un outil de pression sociale. Le danger réside dans la confusion entre engagement et conformité. Lorsque les mouvements sociaux perdent leur capacité à questionner, ils risquent de reproduire les mêmes dynamiques qu’ils prétendent combattre. La véritable liberté ne se trouve pas dans l’unisson, mais dans le débat ouvert, même lorsque cela entraîne des conflits. Les lemmings n’étaient pas des héros, mais des survivants : leur histoire nous rappelle que la vérité est souvent plus complexe qu’on ne veut bien le croire. Culture